Le mot « traumatisme » vient du grec ancien τραῦμα, trauma qui signifie « blessure ». Le psychotraumatisme est la blessure psychique résultant d’un événement traumatique. Il est important de bien comprendre que le traumatisme désigne l’impact psychique et non l’événement en lui-même car de deux personnes soumises au même événement, l’une d’elle pourrait être traumatisée et non l’autre. Considérer qu’un événement plus qu’un autre est traumatisant pour tout le monde est une erreur et le seul moyen de savoir si l’on souffre de traumatisme psychique est d’en observer les symptômes. Comment reconnaître le traumatisme psychique ?
Les différents types de traumatisme psychique
Le traumatisme résulte d’un événement menaçant la vie, ou l’intégrité physique et/ou mentale, que l’on en soit la victime directe, un témoin, un acteur ou un proche d’une victime directe.
La première classification des psychotraumatismes a été proposée par Lenore Terr en 1991. Elle décrit alors deux types de traumatismes :
- Traumatisme de type I : traumatisme résultant d’un événement unique, limité dans le temps avec un début et une fin clairement perceptibles. Un accident, une agression, une catastrophe naturelle, un incendie, sont des événements pouvant résulter à un traumatisme de type I.
- Traumatisme de type II : traumatisme résultant d’événements répétitifs, constants ou menaçant de se reproduire à n’importe quel moment durant une longue période. Les abus sexuels, le harcèlement, les situations répétées d’humiliation, la violence intra-familiale, les violences politiques, les violences conjugales ou faits de guerre sont des événements pouvant résulter à un traumatisme de type II.
En 1999 Eldra Solomon et Kathleen Heide ajoutent un nouveau type, le traumatisme de type III qui résulte d’événements multiples, envahissants et violents qui débutent dans l’enfance et se prolongent sur une longue période, comme c’est le cas dans les situations d’abus.
Actuellement, on préfère la classification de Judith Herman (1997), qui parle de :
- Traumatisme simple correspondant aux traumatismes de type I (événements ponctuels)
- Traumatisme complexe, regroupant les types II et III (événements multiples, répétés ou menaçant de se répéter sur une longue période et débutant potentiellement à un âge précoce).
On parle également de « trauma du lien », « blessure du lien » ou encore de “ traumatisme développemental ” lorsque l’on a subi de la violence de la part d’une figure d’attachement censée nous protéger dans l’enfance (parents, grands-parents, éducateurs…). On peut aussi noter qu’un traumatisme peut survenir à la suite d’une accumulation de plusieurs « petits » événements, comme « la goutte d’eau qui fait déborder le vase ».
Le rôle important des émotions dans la traumatisation
Le traumatisme, qu’il soit simple ou complexe, génère tout le temps des sentiments intenses de peur, d’impuissance, d’horreur, de culpabilité et/ou de honte.
Nous avons tous·tes une fenêtre de tolérance émotionnelle dans laquelle nos émotions varient au cours de notre journée. Nous nous réveillons reposé·e·s avec un seuil émotionnel bas, une contrariété va faire augmenter notre niveau d’émotion, puis la capacité naturelle de régulation de notre cerveau nous permettra de retrouver à nouveau un seuil bas. La traumatisation survient lorsque le niveau émotionnel sort de la fenêtre de tolérance. Dans ce cas, notre cerveau, pour permettre la survie sur le plan physique et psychique, va faire disjoncter le circuit émotionnel, on parle alors de dissociation.
Le traumatisme psychique aboutit alors à une cristallisation d’émotions complexes et semblant souvent irrationnelles. C’est ainsi qu’une victime de viol peut souffrir d’un traumatisme en lien avec des émotions de peur et de culpabilité.
La tolérance émotionnelle propre à chacun·e, l’éventuelle relation avec l’agresseur, le contexte global de l’événement et le degré d’intentionnalité de l’acte commis vont largement influencer le type et l’intensité des émotions.
On comprend alors pourquoi en thérapie du trauma, il est incontournable d’agir sur le plan émotionnel pour reconnaître le traumatisme psychique et et le dépasser.
État de stress
Face à un événement choquant, notre corps se met en état de stress. C’est une réaction normale dirigée par notre cerveau qui détecte une menace. Le corps est préparé à réagir à la menace, il produit un cocktail d’hormones qui permettent :
- Une augmentation de la vigilance et une focalisation de l’attention sur la menace
- Une mobilisation des capacités cognitives et de l’énergie nécessaire à évaluer la situation et prendre des décisions
- Une mobilisation des ressources pour agir de façon adaptée (courir pour fuir, se cacher, appeler à l’aide, combattre, s’immobiliser pour ne pas être repéré·e, etc…)
Cette réaction de stress dit « adaptatif » est normale lorsqu’une fois la menace écartée, l’organisme réussit à retrouver le repos nécessaire à retrouver son énergie.
En fonction de la situation et de la vulnérabilité d’une personne, cette réaction peut être inadéquate voire pathologique, on parle alors de « stress dépassé ». On observe 3 formes de stress dépassé :
- L’hypo-réaction : un état de choc ou d’effroi qui entraîne une stupéfaction cognitive (incompréhension), un vide émotionnel, la sidération physique, la confusion, le mutisme et le repli sur soi.
- L’hyper-réaction : un torrent émotionnel qui s’exprime bruyamment par des cris, des pleurs, des accès d’angoisse, des rires nerveux… dans un état d’agitation, d’excitation ou le discours peut être incessant et décousu.
- La réaction apparemment normale : les victimes contrôlent ou refoulent les émotions et agissent « comme si de rien n’était » avec des gestes calmes, posés. Elles peuvent se livrer à leurs activités normales de façon automatique, comme si elles étaient déconnectées du moment.
Certaines personnes pourront également développer des pathologies (phobies, TOC, bouffées délirantes…) dans des cas de stress dépassé.
Ces réactions peuvent durer quelques jours ou semaines après l’événement et disparaître d’elles-mêmes car l’organisme et la psyché ont été en capacité de retrouver un équilibre, mais lorsque cela n’est pas le cas, on parle de syndrome psychotraumatique.
Comment se manifeste le trouble de stress post-traumatique ?
Le trouble de stress post-traumatique désigne les symptômes persistant sur le long terme. Il se manifeste par :
- Des reviviscences : la personne revit l’événement traumatique sous la forme de flashs, de cauchemars, de réaction comportementale, de sensations spécifiques …
- Des conduites d’évitement : la personne évite des pensées, souvenirs, activités, situations ou personnes rappelant l’événement traumatique.
- L’activation neurovégétative : état d’hypervigilance, réaction accrue à certains stimuli, anxiété, sentiment de détresse …
Outre ces symptômes spécifiques au traumatisme, on peut également observer dans certains cas :
- L’altération de la personnalité : dans le rapport à soi (impact sur l’estime de soi, la confiance en soi, sentiment de dégoût de soi…), dans le rapport à autrui (impact sur la confiance en l’autre, l’attachement, la communication, les comportements comme l’agressivité ou la soumission…), dans la relation au monde extérieur (sentiment d’insécurité constante, vision négative du monde dans sa globalité…).
- Des symptômes dissociatifs : amnésie dissociative, dépersonnalisation, déréalisation…
- L’apparition de troubles associés :
- Troubles anxieux : phobies, obsession, anxiété généralisée, panique, phobie sociale
- Troubles dépressifs : déficit d’estime de soi, de confiance en soi, honte, culpabilité, tristesse, désespoir, comportements expiatoires, automutilation, pensées suicidaires, tentatives de suicide…
- Troubles du comportement : addictions, comportements agressifs, troubles du sommeil, troubles alimentaires…
- Troubles somatoformes : troubles psychosomatiques (fibromyalgie, troubles digestifs, eczéma…)
Les manifestations du psychotraumatisme sur le long terme sont donc complexes et variées et l’on constate aujourd’hui une grande errance médicale chez les personnes atteintes de troubles post-traumatiques en raison de cette diversité de symptômes. Il n’est d’ailleurs pas rare que le trouble de stress post-traumatique ne soit jamais diagnostiqué. Les personnes présentant un ou plusieurs troubles associés sont alors prises en charge pour ces troubles, sans que le traumatisme ne soit jamais traité à l’aide de méthodes spécifiques (hypnose, RITMO, EMDR).
Avec toutes les informations que nous avons actuellement sur le traumatisme psychique, il semble presque impossible de n’avoir jamais subi de traumatisation psychique, que ce soit à travers des expériences de l’enfance ou à l’âge adulte. Ses conséquences sur la construction de la personnalité, sur la santé mentale, psychique et physique entraînent des difficultés sur le plan personnel, familial, social, scolaire, professionnel etc. Reconnaître le traumatisme psychique et le dépasser est donc un enjeu majeur du bien-être humain.
Si vous avez un doute sur vos symptômes, consultez un·e professionnel·le formé·e spécifiquement à l’accompagnement autour du traumatisme en complément d’un suivi médical.
Source : « Le traumatisme psychique chez l’adulte » Évelyne Josse, éditions DeBoeck Supérieur 2019
Pour + d’informations à propos du traumatisme psychique, vous pouvez consulter le site d’Évelyne Josse.